Depuis samedi dernier, la communauté musulmane a débuté le mois de pénitence et de sacrifice.
De nombreux musulmans pratiquants ont entamé le jeûne du Ramadan samedi, 27 mai dernier au Cameroun. Pendant 30 jours, les fidèles devront entre le lever et le coucher du soleil, s’abstenir de boire, de manger, ou même de fumer jusqu’au moment de la rupture du jeûne. Chez les Pemboura, une famille musulmane installée au quartier Mendong à Yaoundé, ce samedi vers 17h, d’agréables fumets embaument la pièce principale de la maison. Awa, la mère de famille est aux fourneaux, tandis que les enfants s’occupent à différentes tâches dans l’appartement. Le père de famille, lui, affalé dans un fauteuil, regarde la télé. Pour ce premier jour de Ramadan, les visages sont fatigués, les sourires forcés. Depuis 5h, ce matin, personne n’a mangé, ni bu. Cela fait près de 10 h maintenant que les estomacs sont vides. Seul Razack, âgé de sept ans, ne jeûne pas encore. Quelques heures plus tard, le moment de rupture arrive enfin. Il est alors 18h22. Après la prière du Maghrib, celle après le coucher du soleil, l’on peut passer à table. Les boissons chaudes et des fruits sont de mise. « Nous commençons d’abord par boire beaucoup d’eau pour étancher la soif. Ensuite, nous enchaînons avec des fruits pour faciliter la digestion », confie Awa.
A présent que les habitudes ont changé, « il faut mettre deux à trois heures tous les jours dans l’après-midi pour faire la cuisine de rupture du jeûne, pour que tout soit chaud », explique la mère de famille. Les emplettes ont été faites longtemps à l’avance pour éviter les désagréments. Sucre, thé, lait, farine de blé, viande de bœuf, poisson et autres sont bien conservés dans la cuisine. Comme dans cette famille musulmane et d’autres, bien que le Ramadan change le quotidien, avant toute chose, c’est un moment de partage et de convivialité. « Un grand moment de joie aussi du début à la fin. Ce n’est pas évident les trois premiers jours, mais après l’organisme s’habitue », ajoute un fidèle. Cette année, selon le calendrier lunaire, le Ramadan durera entre 29 et 30 jours.
Interview:
Dr Moussa Oumarou: « Le Ramadan doit renforcer le vivre-ensemble »
Coordonnateur général du Conseil des imams et dignitaires musulmans du Cameroun (CIDIMUC).
Monsieur le coordonnateur, dans quel état d’esprit les leaders religieux musulmans et fidèles accueillent-ils ce mois de Ramadan ?
De manière générale, les musulmans, les imans et autres dignitaires religieux entendent débuter le mois du Ramadan dans la sérénité et la piété. Vous savez que, dans son fondement spirituel, le Ramadan est un mois de profonde adoration, de grande spiritualité et de pratiques de bonté envers sa communauté. C’est un mois de prières et d’adoration. On cultive la tolérance, l’amour, le pardon, la réconciliation avec soi et avec son prochain. C’est une période où le vivre-ensemble et l’unité doivent être au centre de toutes les actions du musulman. On doit multiplier des actions de bienfaisance, accentuer la lecture du Saint Coran, être assidu dans les lieux de prière. Toutes ces actions sont porteuses et fructueuses en ce mois. Le jeûne a deux volets, à savoir le volet visible lié à l’alimentaire ou le fait de s’abstenir de manger et de boire. Mais, il y aussi le volet spirituel qui permet aux fidèles de se rapprocher de leur Créateur. Et ces deux volets vont de pair. Le mois du Ramadan est donc un mois de vertus pour tout musulman.
Vous parlez de vivre-ensemble et d’unité, au lendemain de la célébration de la fête nationale. Est-ce que cela a une signification particulière pour le musulman en cette période ?
Naturellement. Le contexte dans lequel ce mois intervient est particulier. Au regard de ce que notre pays a vécu ces derniers temps, à savoir les soulèvements dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, qui ont menacé la paix et l’unité nationale, il est important que nos prières soient multipliées dans le sens de la consolidation de cette unité. Car, sans la paix et la stabilité, aucun culte n’est possible. Aucune initiative de développement ne peut aboutir. Le musulman doit donc œuvrer sans cesse pour l’unité et la concorde dans notre pays. Nous devons accompagner l’Etat dans son combat pour la paix au Cameroun. C’est pour cela que le CIDIMUC a régulièrement organisé des prières pour appeler à la victoire de nos forces de défense sur Boko Haram.
Je voudrais profiter pour remercier les pouvoirs publics pour toutes les mesures prises pour garantir la concorde, le dialogue et la paix au Cameroun. Le chef de l’Etat a, par exemple, créé et nommé les membres de la Commission pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme. C’est une entité importante parce que les religions sont aussi porteuses et vecteurs de cultures.
Propos recueillis par Azize MBOHOU