C’est décidément une marque de fabrique pour celui que ses sympathisants et même ses détracteurs désignent volontiers comme « le maître du calendrier ». Ce trait de caractère qui le rend difficilement prévisible, cette faculté à toujours réussir à surprendre son monde lorsqu’il prend des décisions d’importance, voilà tout Paul Biya.
Et ce vendredi 13 juillet, le président de la République a encore réussi son coup. En cette matinée où la classe politique devait être logiquement focalisée sur le temps fort de la visite officielle du président de la Commission de l’Union africaine, le breaking news est tombé.
En attendant son hôte, Moussa Faki Mahamat au Palais de l’Unité, l’imprévisible Monsieur Biya a pris son téléphone et tweeté, bouleversant, comme il sait le faire, le cours de l’actualité politique du jour.
« Chers compatriotes du Cameroun et de la diaspora, conscient des défis que nous devons relever ensemble, pour un Cameroun encore plus uni, stable et prospère, j’accepte de répondre favorablement à vos appels pressants. Je serai Votre candidat à la prochaine élection présidentielle. »
En deux phrases, le président de la République devenu président candidat a planté le décor, donné la motivation de la candidature, et surtout dessiné avec des traits précis, les contours du programme qu’il propose aux électeurs en vue de recueillir leurs suffrages le 7 octobre prochain.
Paul Biya qui se présente à une élection présidentielle pour la septième fois depuis son accession à la magistrature suprême, nous avait habitués à des annonces de candidatures plus solennelles, plus classiques.
Notamment par un « traditionnel » message radio-télévisée à la Nation. Mais l’homme d’Etat ancré dans son temps, connaît bien la place des technologies de l’information et de la communication dans la société d’aujourd’hui et singulièrement la portée des réseaux sociaux en cette année 2018, où l’information n’est pas loin de circuler à la vitesse de la lumière. 10h pile. Il a tweeté et l’effet ne s’est pas fait attendre. De follower en follower, de Twitter à WhatsApp, puis de WhatsApp à Facebook, toute la toile s’est rapidement enflammée. Le « maître du calendrier » venait de faire le buzz.
Fini le suspense. Presque une semaine avant la date butoir de dépôt des candidatures pour l’élection présidentielle du 7 octobre, le président sortant a donc officialisé son projet. Oui, il compte poursuivre son œuvre à la tête de l’Etat, et sollicite un nouveau mandat auprès du peuple camerounais.
Son tweet le dit clairement : Paul Biya s’appuie d’une part, sur la volonté exprimée depuis plusieurs mois par des Camerounais d’horizons divers, de le voir en course. Motions de soutiens et appels à sa candidature se sont en effet succédé à un rythme effréné.
Militants et sympathisant de son parti, le Rassemblement démocratique du Peuple camerounais, bien sûr. Mais aussi des voix venues de toutes les autres composantes de la société. Des responsables d’autres partis politiques, des chefs traditionnels, des associations de jeunes, des regroupements de femmes… C’est aussi à ces appels que Paul Biya répond, en sachant compter sur ce soutien populaire qui ne lui a jamais fait défaut.
Mais d’autre part, c’est avant tout une certaine idée du Cameroun qui guide la candidature du président national du RDPC cette année. Les mots, dans le désormais célèbre tweet, sont choisis avec soin : « …un Cameroun ENCORE PLUS uni, stable et prospère ».
Allusion à peine voilée à la situation sociopolitique que vit le pays au moment où les Camerounais s’apprêtent à élire leur président pour les sept prochaines années. Mais aussi à l’ambitieux projet d’émergence à l’horizon 2035, qui reste évidemment d’actualité. L’unité, la stabilité et la prospérité à consolider, c’est bien l’enjeu majeur de la présidentielle du 7 octobre prochain.
Et l’homme qui, depuis environ quatre décennies, est rompu à la tâche de la préservation de ces acquis si chers, est bien placé pour savoir ce qu’ils valent. C’est un héritage précieux qu’il a décidé de sauvegarder et de faire fructifier. Oui, Paul Biya sera candidat. Vendredi après-midi, son dossier a été déposé à Elecam, puis mis en copie au Conseil constitutionnel.