Au terme du premier trimestre,les bulletins de notes des enfants du primaire ne comportaient ni notes, ni rang, mais des lettres du genre A+, B, etc. Commenten est-on arrivé à cela ?
Le chef de l’Etat a défini une orientation globale. Pour rendre sa vision opérationnelle dans le secteur de l’éducation de base, en plus des études qui ont été menées sur le rendement interne du système, le ministère s’est mis au pas et a revu ses programmes d’enseignement pour aller vers des pédagogies qui permettent aux élèves d’acquérir et construire des savoir faire qui permettent de développer les compétences. On a donc changé de paradigme passant des programmes axés sur les objectifs à ceux qui permettent aux enfants de résoudre des problèmes. Avant, on évaluait les objectifs à l’intérieur des disciplines et l’enfant qui avait 12/20 en français ou17/20 en mathématiques, n’avait aucune compétence face à un vrai problème de la vie. La compétence en français par exemple va amener l’enfant à mobiliser tous les outils de la langue française : l’orthographe, la conjugaison, la grammaire, le vocabulaire et ceci, à travers une situation. Du coup, on juge l’enfant par rapport à sa manière de travailler. C’est le fond du travail qu’on va juger. Dans cette perspective,on ne s’intéresse plus à une note chiffrée. L’évaluation actuelle s’appuie sur des données quantitatives pour pouvoir qualifier la compétence selon un cadrage arrêté. Par exemple de 0 à 10, on va dire que la compétence n’est pas acquise, de 11 à 13, la compétence est en cours, de14 à 17, la compétence est installée. Au-delà de 17, on peut dire de l’apprenant qu’il est expert. Dans les bulletins, on trouve des cotations que les parents peuvent ne pas comprendre,mais qui ont un sens pour l’enseignant.Pour ce qui est des rangs, la société nous a habitués à faire une concurrence insidieuse qui a des effets négatifs sur les enfants. Quand un élève est dernier de la classe, il est frustré et peut garder des séquelles dans sa vie.L’école n’est pas là pour créer des inégalités.
Sans les chiffres qui permettent l’attribution des cotations, comment évaluer le niveau de l’enfant par rapport à celui de sa classe ?
Rien n’est caché. Ces notes existent, mais elles sont consignées dans les fiches que détiennent les enseignants. Nous sommes désormais dans un nouveau paradigme. Si le parent veut voirles notes chiffrées de son enfant, il s’approche de l’enseignant. A quoi cela sert-il de savoir que l’enfant a 20/20 ? Ce qui est important, c’est de comprendre que l’enfant a des compétences. Ce n’est guère un problème de frustration. C’est normal que les uns et les autres se sentent choqués par la nouvelle approche. Une nouveauté ne fait jamais d’emblée l’unanimité. Nous devons beaucoup expliquer pour que tout le monde comprenne. C’est dans la moyenne qu’on retrouve tout lemonde et on ne veut laisser personne sur les bancs. Les enseignants organisent des activités de remédiation pour permettre à certains de s’améliorer et rattraper les autres.
L’émulation, le mérite, l’excellence ne sont-ils pas sacrifiés à l’autel de ce changement de paradigme? Au contraire ! Les élèves qui ont respectivement A+, C, C+, C-, n’ont pas le même mérite. Le fait est qu’il n’existe plus de notes. Le mérite, l’émulation et l’excellence sont dans le A+. Il faut faire la distinction entre l’approche quantitative et l’approche qualitative. Nous voulons miser sur la qualité, former des enfants compétents et compétitifs sur le marché afin qu’ils servent à leur pays qui aspire à l’émergence.
Avez-vous pensé à long termeaux concours ? Imaginez le cas oùon a 60 A+ pour une disponibilité de 20 places. Qu’est-ce qui va objectivement déterminer la sélection?
L’épreuve orale peut faire la différence.La diction, la tenue vestimentaire, l’attitude sont des critères aussi. Certains enseignants, parents etmême des superviseurs pédagogiques n’ont pas encore le même niveau de compréhension du nouveau système. Le ministère est dans un processus d eformation. Le cercle de compréhension et d’adhésion va s’élargir au fur et àmesure. Avec les explications, on comprendra mieux. Le concept n’est pas uncopier-coller parce que nous avons nos réalités. Le nouveau paradigme est un modèle éducatif camerouno-camerounais.