Dans son dernier discours à la Nation, le chef de l’Etat a cité la création de la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme comme l’une des mesures prises pour faire face à la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous avez fait jusqu’à présent dans ce sens?
Nous avons été très actifs pendant les deux ans et demi de notre existence. Nous avons accompli un travail considérable dans des domaines qui relèvent de notre mandat en tant qu’organe consultatif, notamment dans les domaines du bilinguisme, du multiculturalisme et du vivre-ensemble.
Qu’avez-vous accompli concrètement ?
Commençons par le bilinguisme. L’article 1 alinéa 3 de la Constitution stipule que « La République du Cameroun adopte l’anglais et le français comme langues officielles d’égale valeur ». Mais nous constatons que cet aspect de notre vie nationale n’est pas pris au sérieux par tout le monde, surtout dans le secteur public. Et en tant que Commission chargée de promouvoir le bilinguisme, nous avons le devoir d’oeuvrer pour le renforcement de ce droit linguistique. C’est essentiel pour consolider notre vivre-ensemble. C’est pourquoi, peu de temps après notre installation, nous avons effectué une descente inhabituelle sur le terrain, qui a été bien accueillie par les populations. Nous avons effectué des descentes dans les 37 ministères qui existaient à l’époque pour y évaluer l’enracinement ou non de la pratique du bilinguisme, et le service rendu aux Camerounais dans les deux langues. Je dois dire que cet exercice méticuleux a été une expérience des plus enrichissantes. Il nous a permis d’avoir une meilleure appréciation de la façon dont le bilinguisme est perçu et pris en compte dans l’ensemble des ministères. Certains enseignements tirés de ces descentes étaient très impressionnants. Mais d’autres l’étaient moins.
Dans le même ordre d’idées, nous avons effectué des descentes dans 28 établissements et entreprises publics basés à Yaoundé où nous y avons également évalué la pratique des deux langues officielles dans leurs transactions officielles ainsi que dans le service qu’ils rendent au public.
Aussi bien dans les ministères que dans les établissements publics, nous avons fait comprendre aux chefs des structures respectives que notre option nationale pour le bilinguisme n’est pas, conformément à notre Constitution, négociable. Nous avons appelé ceux qui traînent les pieds à faire désormais des efforts pour intensifier la pratique du bilinguisme au sein de leurs entités dans le respect strict des dispositions constitutionnelles y relatives. Bien sûr, conformément à nos règles de base, nous avons transmis au président de la République un rapport sur ce que nous avons constaté et formulé des propositions sur la façon d’améliorer la situation.
Qu’en est-il du multiculturalisme et du vivre-ensemble, qui sont des questions de diversité et de cohésion nationale ?
Permettez-moi d’ajouter qu’en plus des descentes dans les ministères et les établissements publics, nous avons également effectué des missions d’écoute des populations dans les Régions du Sud-Ouest et du Nord- Ouest. Il s’agissait d’une sortie majeure pour la Commission, compte tenu de la crise sociopolitique et sécuritaire qui secoue ces deux Régions. Au cours de ces missions, les populations ont donné leurs points de vue et formulé des propositions sur la situation du bilinguisme dans les deux Régions. Elles ont fait des commentaires sur le multiculturalisme et le vivre ensemble, et sur la façon dont elles pensaient qu’ils pourraient être améliorés dans le pays. Puis, concernant la crise qui secoue les deux Régions, elles ont fait un ensemble de suggestions sur la façon dont elles souhaiteraient qu’elle soit pacifiquement résolue. Il n’y a pas si longtemps, nous avons organisé deux colloques sur le vivre-ensemble et le multiculturalisme. Les deux forums nous ont permis de mieux cerner les deux concepts et nous ont donné les moyens d’élaborer des plans stratégiques pour les améliorer dans notre pays. Par ailleurs, nous avons récemment organisé un atelier pour doter les membres de la Commission des moyens pour lutter contre la discrimination fondée sur la langue ou la culture dans notre pays. Et puis, nous venons de mener une campagne médiatique d’un mois contre le discours haineux. Comme vous le savez bien, le discours haineux est un phénomène dangereux qui se répand dans notre société par le biais des médias, notamment les réseaux sociaux. S’il n’est pas enrayé, il peut causer des dégâts terribles et irréparables à notre pays bien-aimé en portant atteinte au lien social qui nous tient ensemble.
Donc, que l’on considère notre travail sous l’angle du bilinguisme, du multiculturalisme ou du vivre-ensemble, nous sommes à l’oeuvre. Mais, comme vous le savez, c’est une construction permanente. Par conséquent, je pense que nous aborderons le prochain Grand dialogue national avec une riche contribution.