Son nom est et restera indissociable du titre « L’homme », ou pour le commun des mélomanes camerounais, « L’homme est mauvais ». Ntoumba Minka n’est plus. Lundi dernier, le célèbre bassiste, arrangeur, auteur-compositeur a quitté la scène. Il s’en est allé ainsi, perdant la lutte contre une maladie de seulement quelques mois. C’est ce qu’a confirmé son neveu Denis Germain Minka, retrouvé hier matin au domicile familial à Mvog-Ada Eldorado, quartier de Yaoundé où l’artiste a vu le jour le 13 juin 1962. « C’est le 20 janvier dernier que j’ai vu mon oncle pour la dernière fois. Il rentrait se faire soigner en France. Il a dû interrompre ses congés. Il est venu à la maison le 30 décembre 2019, et quand je l’ai aperçu, j’ai constaté qu’il souffrait. Les premiers symptômes illustraient une grippe, cependant celle-ci perdurait. Mais les examens médicaux vont révéler qu’il souffrait d’un cancer rare », a déclaré le neveu éploré. Jusqu’à ce lundi fatidique, Ntoumba Minka suivait des soins dans un hôpital à Paris, d’après ses proches. « Sa mort nous a tous surpris. C’est ma mère Elysabeth Minka Pouth, qui m’a finalement annoncé son décès lundi soir », poursuit le neveu.
Jean Claude Ntoumba Minka a donc quitté la scène, après avoir passé environ quatre décennies à l’écumer. Car si la plupart des Camerounais le connaissent comme étant le père de « L’homme », « Chéri coco », « Sexy maquereau » ou plus récemment, « L’argent rend fou », ce bassiste d’origine avait l’ouïe aiguisé pour ressortir l’arrangement qui déchire tout, comme qui dirait. Il était derrière certains des plus grands succès d’artistes camerounais et d’ailleurs, comme Papillon, Roméo Dika, Guy Lobè, Meiway, Monique Seka, Aïcha Kone, Papa Wemba, Fally Ipupa, Awilo Longomba pour qui il arrange « Carolina », etc. Ses trips sont légion, et les anecdotes qu’il rapporte de ses expériences de globe-trotter musical sont renversantes. Le jeune Ntoumba Minka se prend déjà pour les autres Jean Dikoto Mandengue et Aladji Touré. « Ils nous faisaient rêver », va-t-il confesser.
Alors à 16 ans, il arrête les orchestres scolaires, comme ceux du Collège Noah à Mbalmayo (où il va contracter le virus des décibels) ou du Collège Iptec à Yaoundé, et s’aligne auprès des grands. « J’en avais marre de jouer pour les filles du lycée », s’amusait-il. Il voulait du concret. Au début des années 80, l’Orchestre national fait appel à lui pour accompagner l’artiste gabonais Pierre-Claver Zeng. Mais dans les coulisses, Ntoumba Minka développe d’autres idées. Avec entre autres Mbarga Tino et Ernest Mvouama, il fonde un orchestre. En 1983, ils obtiennent un premier contrat dans un célèbre bar de la capitale. Un an plus tard, ils sont accueillis au cabaret Le Monopole situé à l’époque vers le lieu-dit Coron. « A chaque fois, les forces de l’ordre interrompaientt nos concerts, disant qu’on nuit au voisinage. Dans ces deux cabarets, et même à Ane Rouge c’était pareil », s’est souvenu Ntoumba Minka dans l’une de ses dernières interviews.
Le jeune musicien téméraire en a marre et taille la route pour… Paris. Mais le voyage sera long et ponctué d’escales-découvertes. Ntoumba Minka atterrit au Nigeria. Là il trouve refuge chez Nico Mbarga. Il découvre un autre monde, où, selon lui, « la musique a la valeur qu’elle mérite ». Du Nigeria, il va au Bénin. Après les folles nuits de Cotonou, il débarque à Ouagadougou. Ses valises, il les refait pour tomber à Abidjan, le 13 mai 1987. « La Côte d’Ivoire, c’est mon deuxième pays », disait-il avec émotion. La terre des Eléphants, il y passera trois ans, car il l’adore. Mais l’insatiable doit continuer son chemin pour Paris.
Le 10 septembre 1990, il arrive enfin dans la capitale française. Au terme d’une tournée avec le Congolais Aurlus Mabele, il croise Meiway, lâché par son bassiste. Le remplaçant est tout trouvé, en la personne de Ntoumba Minka. Le ZoGang International (Zo pour le Zoblazo) naît et fait exploser la carrière du musicien camerounais, sous l’impulsion d’hommes comme le producteur d’alors de Cesaria Evora, ou encore Jean Pierre Saah, créateur de JPS Production. Son style, la tendance variétés qui mélange le méréngué au makossa et au groove ivoirien, le suivra tout au long de son périple professionnel. Cette vie trépidente, faite de souhaits et d’accomplissements, s’est arrêtée lundi dernier.