« Ils se demandent pourquoi je ne le fais pas passer depuis. C’est-à-dire le faire mourir pendant une crise. Ils ne peuvent pas comprendre. C’est mon enfant et je l’accepte comme tel ». Les larmes inondent les yeux de Carole Eba quand elle regarde son enfant. Devant elle, Yovan, 7 ans, s’active, court dans tous les sens, attrape tous les appareils qu’il peut, les scrute, sourit et recommence à courir. Le bout d’homme souffre de trisomie 21 et d’une cardiopathie congénitale. C’est une malformation du cœur depuis sa naissance. « C’est mon deuxième enfant. Je découvre ce type de maladie avec lui. Nous sommes si souvent pointés du doigt dans les taxis. Je leur dis juste qu’il est mongol. Je n’en veux pas à ceux qui portent des jugements. Des fois, ils ne savent pas », dit-elle, un brin attristée. Ce jeudi matin, elle attend à l’esplanade de l’Association pour l’encadrement des enfants victimes de maladies rares à Yaoundé. En marge de la Journée internationale contre les maladies rares commémorée chaque 29 février, elle vient bénéficier des services qu’elle ne peut plus payer. « Après le diagnostic de sa maladie, nous avons été orientés dans un hôpital spécialisé à Bamenda. L’opération du cœur a été fixée à 4 millions de F. Je n’ai pas ces moyens », confesse la jeune dame, agent de l’Etat. Abandonnée par le père de l’enfant qui dit ne pas connaître cette pathologie dans sa famille, Carole Ebah se débrouille avec ce qu’elle gagne. « Depuis 2017, j’ai arrêté d’emmener Yovan en consultation. Je n’en ai plus les moyens », dit-elle.
Autour de 12h, une autre dame franchit le portail de l’association, un enfant entre les mains. Blanche Belinga porte Jérémie, qui ne peut pas marcher à cause de son hydrocéphalie. Il a une tête inhabituellement grosse. « Nous avons décelé la maladie avant son premier anniversaire. En allant en consultation à l’Hôpital central de Yaoundé, j’en ai vu d’autres, moi qui ne connaissais pas », confesse la mère de famille. « Il a été opéré et un drain est désormais installé en lui pour conduire l’eau du cerveau à son ventre. Il grandira avec ce dispositif en lui », dit-elle. Jérémie réussit à s’asseoir, mais ne marche pas encore. C’est le résultat d’une rééducation. « Son frère jumeau n’a pas eu de problème. Ses autres frères l’encouragent aussi à marcher et ne le fuient pas », se réjouit celle qui a mis sa carrière d’économe en berne pour se consacrer à son fils.
Cette chaleur partagée au milieu d’autres familles est le fruit de l’effort d’Hélène Minkoulou. Parent d’un enfant ayant trois pathologies rares et aujourd’hui décédé, elle a mis sur pied cette association pour que les parents puissent faire face à l’incompréhension de l’entourage et parfois, le questionnement du corps médical. Considérée par les tout-petits de l’association comme « la maîtresse », elle met à disposition des spécialistes bénévoles pour suivre les enfants et leurs parents.