« les initiatives individuelles sans concertation préalable et collégiale mettent en péril la cohésion du gouvernement…»


Le président de la République a prescrit à l’équipe Dion Ngute, plus de solidarité et une coordination optimale. Quelle lecture en faites-vous?

Avant de répondre à cette question, rappelons que la solidarité gouvernementale ou solidarité ministérielle n’est pas une règle juridique. Il s’agit d’une contrainte politique relevant d’un comportement ou d’une attitude incitant les membres du gouvernement à rester solidaires et comptables des résultats du gouvernement. A cet égard, les initiatives individuelles sans concertation préalable et collégiale mettent en péril la cohésion du gouvernement et ébranlent sa solidarité. Le rappel de cet impératif par le président de la République vise à briser ces réalités. Il est sans doute consécutif aux faibles performances enregistrées dans la réalisation de certains projets. L’interpellation du président de la République s’inscrit dans l’optique de mutualiser et faire converger les efforts des différents dé partements ministériels vers un objectif commun : l’amélioration des conditions de vies des Camerounais.

Quand on sait que le gouvernement est chargé de la mise en œuvre de la politique du chef de l’État, qu’est-ce qui peut expliquer qu’il y ait de temps en temps un manque de solidarité?

Plusieurs raisons peuvent expliquer le manque de solidarité gouvernementale. J’en retiens deux pour l’instant. La première est connue de tous les théoriciens du management depuis les travaux d’Adam Smith, de Taylor et de Williamson. Ils reconnaissent que les individus sont principalement mus par leurs intérêts personnels. La recherche du gain est consubstantielle à toute action humaine. Les décideurs publics, les décideurs politiques et les ministres n’échappent pas à cette réalité. D’ailleurs la théorie des choix publics qui s’intéresse à l’analyse des décisions politiques avec les outils éco nomiques révèle que la recherche de l’intérêt général est un leurre. Tous les acteurs, fussent-ils engagés à œuvrer pour l’intérêt général, ont le réflexe de l’homoéconomicus. Ils se concentrent sur leurs intérêts individuels voire égoïstes. La deuxième raison qui peut expliquer cette faible solidarité est que ce comportement n’est pas toujours réprimé. N’étant pas une régulation juridique, on s’attendrait à ce que la solidarité gouvernementale soit une pratique, voire une contrainte politique. A ce titre elle assumerait bien sa contrainte et les contrevenants se verraient exclus du gouvernement. C’est donc un challenge pour le chef du gouvernement qui, au-delà de faire des rappels à l’ordre, devrait véritablement faire prévaloir son autorité afin de garantir cette solidarité. A cet effet, la solidarité gouvernementale ne devrait plus se limiter à une contrainte mais devrait être érigée en une valeur indispensable pour l’adhésion et le maintien dans un gouvernement.

En tant qu’enseignante de management, quels conseils pourriez-vous donner pour optimiser la coordination gouvernementale?

La solidarité gouvernementale requiert quelques préalables. D’abord, les décisions au sein du gouvernement sont connues de tous et prises de manière collégiale. Le mode de prise de décision est donc une condition à l’adhésion de tous les membres du gouvernement. Ensuite, l’existence d’une au torité qui assure la coordination gouvernementale, responsable de cette solidarité. Il s’agit du Premier ministre, chef du gouvernement. Il devrait donc assurer la coordination suivant deux approches : l’approche normative (mise en place et respect scrupuleux des normes/attitudes/comportements retenus et sanctions en cas de violation de ces normes) et l’approche positive (style de leadership et de communication efficace amenant les membres à agir dans un sens indiqué). En fait, il y a un seul maître à bord qui dirige l’action et sanctionne les contrevenants. Dans son rôle de coordination, le Premier ministre sera certainement appelé à réduire les redondances, les émiettements d’actions et à créer des affinités entre les différentes réformes pour la plupart exécutées par les ministères dans l’intimité de leurs convictions. La solidarité veut également dire qu’il y a des interdépendances entre les différents acteurs.


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