«L’arrivée de George Weah autorise une pointe d’optimisme»


Laurent Mbassi, analyste politique et chercheur associé à l’Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC).

Georges Weah prend les rênes du Liberia lundi prochain. Vat- on célébrer l’ancienne gloire du football ou quelqu’un qui peut relever le pays?

Les deux facteurs se chevauchent nécessairement en le même personnage, du fait de l’identité de patronyme. Mais il n’en demeure pas moins, à titre historique et actuel, que la fonction présidentielle est un levier de suprématie comme tel, charrie logiquement les attentes et espérances d’un peuple au regard de la masse de prérogatives détenues par son titulaire. Davantage, on pourrait mettre en avant l’idée qu’un chef d’Etat est élu sur la base d’un socle de propositions dont le caractère pertinent au prometteur a vocation à séduire les votants. Le moins qui puisse découler de ce mandat spécifique est que la trajectoire internationale, l’aura personnelle et les divers lauriers sportifs du président Weah, soient opportunément prêtés à contribution afin de drainer vers le Liberia des stratégies et des acteurs de développement en grand nombre.

Il hérite d’un pays pauvre avec une économie exsangue et des coûts des matières premières qui ne sont pas à leur meilleur niveau. A votre avis, George Weah est-il l’homme de la situation?

Il y a lieu de le supposer, bien que le schéma d’exécution s’avèrera plus aléatoire que prévu, car la virginité étatique du nouveau venu constituera à la fois une prime et un handicap. La demande la plus lourde aujourd’hui dans ce pays d’Afrique de l’Ouest est raisonnablement d’ordre économique. Elle comporte deux axes constantes : résorber la crise sociale qui touche de larges segments de la population et lancer une politique d’investissements structurels à fort impact dans le domaine de l’agro-industrie ou des mines, eu égard aux ressources naturelles disponibles. L’autre condition décisive de réussite du régime entrant résidera en l’avènement d’une administration loyale et acquise aux principes d’équité, l’analyse du substrat sociologique du pays donnant à penser que le président Weah ne jouit pas autant du soutien de la technocratie dirigeante en place que de celui des couches populaires. Sans envisager une méthode de la «spoil-system», c’est-à-dire de table rase, il aura intérêt à une redistribution des cartes dans les rouages de l’Etat avec pour optique l’émergence d’un Liberia différent.

Le Liberia reste encore marqué par deux longues guerres civiles qui ont mis à mal le vivre ensemble, le tissu social et pousser une bonne partie de la population en exil. Comment peut-il procéder pour réconcilier les Libériens et les amener à faire table rase de ce passé douloureux?

L’approche universelle en la matière procède du dialogue et de la remise en confiance mutuelle compris ici en tant qu’acceptation patiente, mesurée et rationnelle des postures de l’ensemble des protagonistes d’une crise. A l’échelle nationale, ce type de «douleurs» pour reprendre votre expression, s’oublient difficilement; elles s’inscrivent dans la mémoire collective. L’essentiel est cependant d’en retourner les facettes passionnelles et leur imprimer un cachet de réconciliation en cultivant non seulement un esprit de tolérance, mais aussi des mesures de réparation : amnisties, réintégration ou reconversion des bandes armées, fora d’échange de vues, désignation pondérée aux postes de responsabilité, répartition équilibrée des fruits de la croissance et surtout discours d’apaisement et de réconciliation du principal tenant du pouvoir. A cet effet, l’on estime que la personnalité consensuelle et charismatique de George Weah devrait être d’une réelle utilité, son élection autorise, sous cet angle et en lien avec les partenaires sous-régionaux, quelques pointes d’optimisme pour l’avenir du Liberia.


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