« La politique est un investissement »


Pr. Aboya Manassé, enseignant de sciences politiques à l’université de Douala

Comment évaluez-vous l’implication des partis politiques dans les différentes phases du processus devant conduire aux prochaines échéances électorales ?

Cette implication est manifeste. Les partis politiques s’impliquent de plus en plus dans les phases préparatoires en encourageant les citoyens à s’inscrire sur les listes électorales. On les a également vus s’impliquer dans la mobilisation des militants. Chaque parti politique travaille à former ses militants pour, non seulement les garder en éveil, mais aussi les intéresser dans les grands enjeux électoraux qui marqueront cette année 2018 au Cameroun. Cette dynamique va s’accélérer avec la confirmation de la tenue effective de plusieurs échéances électorales par le président de la République, lors de son discours du 31 décembre 2017. Ceux qui doutaient encore s’activent désormais à mobiliser les citoyens en les sensibilisant sur l’importance du vote dans la vie politique. Que ce soit dans les réseaux sociaux ou au niveau des instances dirigeantes des partis politiques, on assiste à un travail de ratissage qui vise très souvent à motiver les potentiels électeurs et à les intéresser à la vie politique, même si cela trahit une certaine activité saisonnière de certains partis politiques qui ne se mettent véritablement en situation qu’à l’approche des échéances électorales. La visibilité et la lisibilité des formations politiques dans ce contexte préélectoral préfigurent une mobilisation encore plus grande à mesure que l’on s’approche des échéances électorales prévues cette année.

Comment les partis politiques peuvent-ils apprécier l’efficacité de leur mobilisation, s’ils ne participent pas aux commissions électorales mixtes prévues par le code électoral?

Il est vraiment difficile d’apprécier autrement la capacité de mobilisation d’un parti politique en contexte électoral. Les commissions mixtes instituées par le législateur dans le Code électoral permettent aux partis politiques de sécuriser leurs votes et les suffrages exprimés en leur faveur. Mais, très souvent, on observe une absence des représentants des partis politiques en lice qui sont censés siéger dans ces commissions. A partir de ce moment, il devient extrêmement difficile d’apprécier leur capacité de mobilisation qui sera soit surestimée soit sous-estimée parce qu’on n’aura pas toujours des éléments d’appréciation autres que ceux du décompte final du vote. On peut a priori considérer qu’un parti mobilise un grand nombre de sympathisants lorsqu’on se limite à ce qui se donne à voir lors de la campagne électorale. Mais, cela n’est pas toujours fiable tant il est vrai que l’électeur opère son choix dans le secret de l’isoloir. Ce n’est véritablement que grâce à ces commissions mixtes qu’on peut apprécier l’efficacité d’une campagne de séduction et de mobilisation politique. Or, l’absence souvent constatée des représentants des partis politiques qui ne se limitent qu’à ce qu’ils pensent avoir vu lors de la campagne électorale pour apprécier leur capacité de mobilisation peut apparaître comme une erreur d’appréciation dans un contexte où les électeurs opèrent leurs choix dans le secret de l’isoloir. Par conséquent, il est maladroit de chercher d’autres éléments d’appréciations de la capacité de mobilisation d’un parti politique en période électorale en dehors de ce que pourrait révéler les commissions mixtes, ce d’autant plus qu’ici aussi, les apparences peuvent être trompeuses.

A votre avis, un parti politique avec peu de moyens financiers, peut-il changer la donne pour la mobilisation de ses sympathisants ?

La politique est un investissement. En tant que telle, elle ne se fait pas sans apport financier. Le politicien-investisseur doit consentir à faire des investissements pour mieux se vendre en tant que professionnel de la politique. Par conséquent, l’entreprise politique doit nécessairement avoir un coût financier. S’il existe une loi sur le financement des partis politiques, il reste qu’à lui seul, ce mode de financement des partis politiques ne peut pas couvrir toutes les dépenses liées à cette entreprise politique. Les contributions financières des militants sont donc nécessaires pour le fonctionnement des partis politiques. Seulement, tous les partis n’ont pas la même base militante. Il y en a qui mobilisent et qui ratissent plus que les autres. Ces partis de masses bénéficient donc d’un apport financier beaucoup plus important que d’autres. Ils peuvent donc mieux se déployer par rapport à d’autres. Il est donc difficile pour un parti politique avec des moyens financiers modestes de s’imposer dans un contexte où la politique devient assez onéreuse. Un tel parti connaîtra forcément des problèmes de visibilité et de lisibilité. Il ne pourra que difficilement se projeter et se déployer sur le territoire national et sa survie politique sera assez laborieuse au regard de ses moyens financiers modestes.


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