Que retenez-vous de ce double concert des 7 et 8 novembre à l’Ifc de Douala ?
Déjà, sur le plan musical, je me suis rendu compte qu’il y a un public qui écoute la musique, que nous faisons. Lors du deuxième spectacle vendredi, je n’ai presque pas chanté. Dès que je touchais ma guitare pour interpréter une de mes anciennes chansons, la salle reprenait en chœur. En fait, c’était le concert du public. De deux, il y a eu une très grande mobilisation autour du spectacle. Sur les réseaux sociaux, il y avait des vidéos de mes collègues, de personnes improbables qui m’encourageaient, chantaient mes morceaux. Et au-delà de la présence à mes concerts, ce qui m’a le plus marquée dans ce mouvement, c’est l’adhésion des gens à mon travail. Les médias aussi, radio, télé, presse écrite entre autres ont joué un rôle important dans la présence du public à l’Ifc de Douala. Et dans toute cette mobilisation, dans les échanges avec mes fans, ce que j’ai apprécié, c’est que c’est des gens qui viennent de toutes les cultures, de tous les horizons, de tous les âges. J’étais contente de ce Cameroun que j’ai vu, sans barrières ethniques.
Pourquoi la démarche de la séance d’écoute pour les chansons de votre prochain album ?
J’ai voulu procéder différemment. En général, je viens avec des albums déjà faits que je propose au public. Cette fois, j’ai composé des titres et je veux que le public choisisse les chansons qu’il aimerait garder pour le prochain album. C’est pour cela que c’était un peu comme une séance d’écoute. Et nous jaugions en fonction de l’accueil. En fonction des réactions des gens, je peux déjà savoir quelle chanson je garde, quelle chanson je dois parfaire, etc. Je me suis dit, aujourd’hui, je suis une artiste que beaucoup de Camerounais connaissent déjà. Je voulais les impliquer aussi dans le choix de mes chansons, dans ma carrière. C’est aussi une façon de leur dire, vous avez été là depuis dix ans, vous m’avez accompagnée, vous avez aussi votre mot à dire. Si je fais un concert et que personne ne vient, je ne vais pas être contente. Kareyce Fotso, c’est aussi le public qui l’accompagne. J’ai voulu leur donner la parole.
On sait que ce prochain album sera entièrement dédié aux femmes. Pourquoi ce choix ?
On est à cette ère-là. Tout est parti d’une émission que j’écoutais à la radio. Il y avait une écrivaine qui parlait de toute la place que la femme a occupée dans la lutte contre les colonisateurs. Je me suis rendue compte que les femmes avaient joué un rôle énorme, elles étaient vraiment au-devant de la scène. Ça a attisé ma curiosité et j’ai commencé à faire des recherches dessus. J’ai découvert des femmes comme la reine Zingha d’Angola, les amazones du Dahomey [actuel Bénin, ndlr], la veuve Moumié qui était une vraie nationaliste, etc. Il y en a plein et pas seulement dans le domaine de la politique. C’est dans tous les secteurs. J’ai voulu rendre hommage à toutes ces femmes grâce à qui nous pouvons nous exprimer aujourd’hui, qui ont permis qu’on puisse aller à l’école. Aujourd’hui il y a des femmes scientifiques, qui font des métiers qui autrefois étaient inaccessibles. Il n’y a plus trop de mariages forcés. Ce sont des femmes qui ont mené le combat, qui ont brisé des tabous, qui ont construit quelque chose, même s’il y a encore à faire. Mais je pense qu’on peut déjà célébrer les acquis.
La scène occupe une grande place dans votre vie. Imaginez-vous parfois votre carrière sans cette partie ?
La scène est un moment extraordinaire de liberté. C’est le seul moment dans ma vie où je sens que j’ai tous les droits. C’est l’endroit où je peux traduire tous mes sentiments sans honte, sans tabous. Je suis tellement vraie sur scène, c’est mon moi profond qui s’extériorise. Je ne pourrai pas vivre sans spectacle. C’est pour cela que vous vous rendrez compte que toute l’année, je suis sur la route. Je tourne en moyenne à un spectacle par semaine. Pour ce mois de novembre, j’ai encore deux dates hors du pays. Mais pour décembre, j’ai demandé un repos, parce que je suis épuisée. Si je monte sur scène, ce sera ici au Cameroun. Vous constaterez que ça fait plus de quatre ans que j’ai sorti mon dernier album, mais parce que j’ai encore des dates pour tourner avec lui, la sortie de mon prochain opus est repoussée à la mi-2020. La scène, c’est ma vie. S’il fallait seulement sortir des albums sans spectacle, je ne serais pas heureuse.