Il faut aller de l’avant


Regard

Juridiction compétente pour poursuivre et juger tout prévaricateur de la fortune publique, sans aucune restriction sur la qualité du justiciable, lorsque le préjudice est égal ou supérieur à 50 millions de FCFA, le Tribunal criminel spécial (TCS) affiche, en cinq années d’activités, un bilan pour le moins encourageant.

En tout cas, les chiffres présentés le 2 février 2018 à Yaoundé par le procureur général près le TCS, Mme Justine Ngounou, sont révélateurs du travail abattu. Car faut-il le rappeler, le TCS a vu le jour dans un contexte où, malgré la mise en place des autres institutions pour renforcer la prévention et la lutte contre les atteintes à la fortune publique, des dérives graves persistaient dans la gestion de cette fortune.

En plus, le traitement judiciaire des affaires en cette matière s’enlisait dans des considérations procédurales pas toujours défendables. C’est donc dans le souci de donner une dimension singulière à la répression contre les atteintes à la fortune publique et d’accélérer le traitement des procédures y afférentes que le législateur a mis en place cette juridiction. 

Incontestablement, les fruits ont tenu la promesse des fleurs, avec 125 arrêts rendus, des amendes et frais de justice d’un peu plus de sept milliards de F CFA, et plus de 97 milliards de F CFA  au titre des dommages-intérêts au profit de l’Etat. Côté répression, on peut constater sans risque de se tromper que le TCS s’est montré très sévère.

Car il est convaincu, comme l’a indiqué le procureur général, que la réussite dans l’éradication des atteintes à la fortune publiques, qualifiées de « crime contre la société », ne peut se faire qu’avec une certaine rigueur dans la sanction.

C’est ainsi que des peines d’emprisonnement qui se situent, pour la plupart, largement au-dessus de 10 ans après admission de circonstances atténuantes, ont été prononcées, de même que de nombreuses peines d’emprisonnement à vie.

Cependant, les défis à relever par la jeune juridiction sont colossaux, compte tenu  du fait que malgré la répression en cours, les atteintes à la fortune publique ne semblent pas diminuer.  Le rapport sur l’état de la lutte contre la corruption au Cameroun en 2016 souligne bien le fait que le pays « continue de ployer sous le lourd fardeau de la corruption ».

Nombreux étant  encore ceux qui « sollicitent faveurs et privilèges et amassent des fortunes », d’après ce rapport. C’est dire que le travail du deuxième président du TCS, Emmanuel Ndjere, qui a pris officiellement fonction vendredi dernier, ne sera pas de tout repos.  Les Camerounais attendent que l’œuvre entamée soit poursuivie avec intensité.

Un accent devrait par ailleurs être mis sur le  recouvrement forcé des sommes résultant des condamnations pécuniaires prononcées par le TCS. Même s’il reste vrai que pour l’heure, la plupart des décisions rendues par cette juridiction n’ont pas encore acquis le caractère définitif, parce que frappés de pourvoi devant la Section spécialisée de la Cour suprême.

Quoi qu’il en soi, il faut aller de l’avant. C’est, à notre sens, la seule façon de procéder pour dissuader de potentiels prévaricateurs. L’œuvre est titanesque et de longue haleine, dans un pays où, à l’image des métastases d’un cancer, la corruption est tentaculaire.


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