En novembre dernier, Imane Ayissi, 51 ans, est rentré dans le secret des dieux : son nom est inscrit au calendrier des créateurs conviés à la Fashion Week de Paris 2020. Un inédit pour les stylistes-modélistes sub-sahariens. Aucun d’eux, avant le Camerounais, n’a reçu cette invitation. Le geste est une consécration de plus de 30 ans pour Imane dans le cercle exigeant et sophistiqué de la Haute Couture. Il ouvre les portes de l’histoire au soir du 23 janvier dernier dans une salle illuminée d’un hôtel du 8e arrondissement de Paris. C’est là qu’il a officiellement fait ses premiers pas dans la célèbre semaine de la mode de la capitale française. Pour son initiation, l’artiste a vu grand. Sa collection « Akouma », (richesse en langue ewondo), intègre avec authenticité et audace la vision printemps-été 2020 de la Fashion Week. Car le quinquagénaire avait prévenu : « Il va montrer le savoir-faire, le beau patrimoine du textile africain. » Chose promise, chose due. « Akouma », c’est un podium où la forêt s’accommode au luxe. Comme accessoires pour des tenues du soir en soie, Imane Ayissi agence ceintures et capes en raphia, quand des fleurs découpées dans de l’obom viennent orner des ensembles ou des longues robes (toujours en soie) noires, blanches, roses, vertes, jaunes… C’est l’alliance entre ce que le créateur camerounais appelle les « tissus nobles » et les « tissus rustiques ». Le mariage de ces deux mondes est célébré par des bottes ou des escarpins dorés à talons aiguille. En signant « Akouma », Imane Ayissi continue de forcer le respect du made in Africa. Fidèle à son engagement long de plusieurs décennies, l’homme se rebiffe contre la dictature du Wax. Son œuvre encense en général les trésors de son continent. Du Ndop camerounais au Faso Dan Fani burkinabé en passant par le Kenté du Ghana et de la Côte d’Ivoire ou le Manjak du Sénégal, Imane Ayissi sublime les fibres de l’Afrique en bousculant le conformisme. L’artiste est désormais dans cette bulle sélecte prônant l’excellence en Haute Couture. C’est un juste retour pour celui qui depuis 1990, vit et respire mode au cœur de Paris. D’abord danseur puis mannequin (et même boxeur), le styliste à la carrière plurielle grandit en observant, mais aussi en arborant des vêtements nés des coups de ciseaux des plus grands maîtres: Dior, Givenchy, Lanvin, Pierre Cardin, Valentino, Yves Saint Laurent… En 2013, il crée sa marque éponyme, celle qui, à force de travail acharné, le fait remarquer par la fédération française de Haute Couture. Autodidacte, cet artiste issu de la célèbre fratrie des Ayissi, se révèle dès son enfance en dessinant des modèles pour sa Miss de mère. Des années plus tard, il ne se vêt d’aucune convention. Un toupet payant.