Sur très hautes instructions du chef de l’Etat, S.E.M. Paul Biya, autorité invitante, le Grand dialogue national s’est tenu au Palais des Congrès de Yaoundé, du 30 septembre au 4 octobre 2019, sous la présidence de S.E. M. Dion Ngute, Premier ministre, chef du gouvernement.
En prélude au dialogue proprement dit, le Premier ministre, chef du gouvernement, a tenu des consultations préalables au dialogue en vue de déterminer non seulement le cadre le plus approprié pour ce dialogue, mais aussi de solliciter les contributions et les opinions d’un large éventail de Camerounais, notamment ceux qui continuent à commettre des actes de violence et de terrorisme dans le pays, en particulier dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest.
L’opinion publique a réagi positivement à l’appel du chef de l’État pour le dialogue national et le rétablissement de la paix, comme en témoigne le grand nombre de délégations composées d’avocats, d’enseignants, d’acteurs de la société civile, de leaders politiques, d’autorités religieuses, de responsables de syndicats, d’autorités religieuses, de responsables de syndicats, d’organisations estudiantines et de personnalités indépendantes qui ont été reçus par le Premier ministre.
Parallèlement, le gouvernement a dépêché des personnalités de la société civile de renom pour rencontrer les membres de la diaspora afin d’associer ceux-ci au rétablissement de la paix et de la sécurité dans la patrie. Ces visites ont permis de démontrer une fois de plus le grand engagement du chef de l’État. S.E. le Président Paul Biya à impliquer les Camerounais résidant à l’étranger dans la recherche d’une solution durable à la crise qui sévit dans les régions touchées.
Les gouverneurs des dix (10) régions se sont également engagés avec les habitants de leurs unités de commandement pour examiner toutes les voies possibles de contribuer au processus de résolution de la crise. Pour les gouverneurs des régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, le défi était de taille dans la mesure où ils devaient faire face aux déplacements des populations, aux opérations des villes mortes et aux milices armées. L’objectif était d’amener les milices armées à cesser les opérations insurrectionnelles en vue de bénéficier du programme gouvernemental de désarmement, de démobilisation et de réintégration dans les centres basés dans leurs régions. En outre, il était attendu que, grâce à la sensibilisation du public, les membres des communautés, en particulier les jeunes qui avaient fui dans la forêt, pourraient retourner dans leurs villes et villages.
Les missions diplomatiques du Cameroun ont également invité nos compatriotes à des réunions d’échanges en vue de recueillir des contributions susceptibles d’enrichir les travaux du Grand dialogue national.
Certaines de ces contributions se résumaient en quelques lignes tandis que d’autres couvraient des centaines de pages. Une lecture sociologique de ces contributions révèle que d’importantes couches de la population camerounaise ainsi que les parties prenantes dans les zones de conflit ont pesé de tout leur poids dans la balance.
Ces contributions portaient sur les pertes subies par les étudiants, les parents, les hommes d’affaires, le personnel médical et sanitaire, le personnel civil et militaire, etc.
Il convient de noter que les thèmes qui revenaient souvent dans les contributions reçues par le Secrétariat correspondent à bien des égards au contenu du discours du chef de l’État prononcé le 10 septembre 2019.
Du 30 septembre au 4 octobre 2019, 600 personnes ont pris part aux travaux, sur invitation du Premier ministre, chef du gouvernement, Président du Grand dialogue national, à l’issue des consultations préalables audit dialogue. Les participants se sont répartis en diverses commissions généralement composées d’un bureau avec un président, des vice-présidents et des rapporteurs. Comme l’a demandé le chef de l’État, S.E. Paul Biya, les deux tiers des participants venaient des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, et environ 5 de la diaspora.
Conformément aux orientations contenues dans le message du chef de l’État du 10 septembre 2019 convoquant le Grand dialogue national, le dialogue s’est déroulé en séances plénières et en commissions.
Le Grand dialogue national s’est ouvert par des prières œcuméniques, animées par les autorités religieuses suivantes:
Imam Cheikh Oumarou
Pasteur Gustave Ebai
Pasteur Alain Ruben Ngwet
Monseigneur Jean Mbarga.
Cette phase a été suivie de l’allocution de bienvenue du délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé, M. Gilbert Tsimi Evouna, ainsi que des interventions d’ex-combattants issus du Centre DDR, la plus remarquée étant celle de Kawa Kawa Yannick.
Prenant la parole, le Premier ministre, chef du gouvernement et Président du Grand dialogue national :
s’est félicité de la tenue de ce Grand dialogue national;
a indiqué que les consultations qu’il a menées avant cet événement majeur lui ont permis de traduire dans les faits l’ardent désir des Camerounais de tous horizons de retrouver la paix dans notre pays, et de voir les activités économiques reprendre dans les deux régions dans un climat d’apaisement social généralisé;
a exhorté les participants à faire preuve de patriotisme et de responsabilité tout au long du dialogue, compte tenu des multiples attentes des Camerounais;
a rappelé que le contexte social et sécuritaire dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, ainsi que dans d’autres régions, en particulier dans l’Extrême-Nord, impacte aujourd’hui tous les aspects de la vie de notre pays. Ainsi, et selon ses propres termes, cette souffrance et ces difficultés nous affectent tous, et ensemble nous trouverons des solutions par le dialogue.
Les principaux orateurs de la séance plénière d’ouverture ont été les suivants:
S.E. Peter Mafany Musonge
S.M Nfon Mukete
S.M. René Ze Nguele
S.M. Boubakary Abdoulaye
Le Président Ni John Fru Ndi
S.M. Sadou Boukar
S.M. René Effa
Madame Fadimatou Iyawa
Le Dr Simon Munzu
Le Sultan Ibrahim Mbombo Njoya
Son Éminence le Cardinal Christian Tumi
Madame Calixte Beyala
Chief Dr. Atem Ebako
La plupart des principaux orateurs ont dénoncé la violence aveugle, les assassinats, les enlèvements, la destruction des biens publics et des moyens d’existence, et ont invité les participants à mettre de côté leurs différences et leurs appartenances politiques et ainsi œuvrer en faveur du retour à la paix et à la vie normale dans notre chère patrie.
A cet égard, les principaux orateurs ont souligné que nous sommes les filles et fils:
d’un territoire dont les frontières ont été établies, non pas par nous, mais par des puissances étrangères dans des traités dont nous n’étions pas parties;
d’un territoire qui était divisé en deux zones de tailles inégales, toujours en vertu de traités entre puissances étrangères dont nous n’étions pas parties;
d’un territoire sur lequel deux cultures étrangères ont été greffées l’une dans chaque zone, telle que délimitée par des puissances étrangères, sur les cultures locales existantes, chaque culture étrangère se voyant conférer un statut national.
Les filles et fils de ces deux parties auraient pu rester définitivement séparés si les populations de l’une des deux parties n’avaient, en février 1961, choisi de forger une nouvelle nation avec l’autre partie.
Ce choix de s’unir et de former une nouvelle nation a constitué un moment unique dans notre histoire, moment dont nous devrions particulièrement nous enorgueillir, car contrairement aux autres faits historiques qui ont marqué l’édification de notre nation, celui-ci n’a pas été décidé par des puissances étrangères, mais par les Camerounais eux-mêmes.
D’où la nécessité de rester fidèle à notre volonté initiale de préserver notre héritage bilingue et biculturel sur un pied d’égalité, au lieu d’en faire une entrave à notre développement.
Les principaux orateurs ont mis l’accent sur les formes d’organisation de l’Etat telles que la décentralisation, la fédération et la confédération. Toutefois, il a été convenu qu’au-delà de l’étiquette politique qui qualifierait la nation camerounaise, le plus important reste le contenu des pouvoirs que l’on confère aux régions.
De l’avis général, le règlement de ces questions incombe au premier chef au peuple camerounais, même si l’appui constructif de nos partenaires peut être requis à certains moments.
En outre, il ressort des débats qu’en tant que Camerounais, nous devons tous mettre de côté les discours et œuvrer à mettre fin aux souffrances de notre peuple afin de lui permettre de retrouver une vie normale et de disposer de moyens d’existence adéquats.
Excellences, Mesdames et Messieurs, les participants ont examiné huit (8) thématiques principales contenues dans le message du chef de l’Etat, à savoir:
Bilinguisme, diversité culturelle et cohésion sociale
Système éducatif
Système judiciaire
Retour des réfugiés et des déplacés internes
Reconstruction et développement des régions touchées par le conflit
Désarmement, démobilisation et réinsertion des ex-combattants
Rôle de la diaspora dans la crise et sa participation au développement du pays
Décentralisation et développement local.
La qualité des participants – acteurs politiques, administratifs, religieux, traditionnels, privés et de la société civile, ainsi que leur présence effective du début à la fin du processus- témoignent de l’enthousiasme suscité par le dialogue.
Les échanges, dans le cadre du dialogue, ont été libres, équitables, transparents et parfois passionnés, reflétant ainsi la vitalité et le vif intérêt que les Camerounais portent au sort de leur pays.
Les membres des Commissions se sont accordés sur la méthodologie des travaux et les conclusions sont le reflet de leurs préoccupations et anxiétés et surtout de leur espoir d’un avenir meilleur pour tous les Camerounais.
Mesdames et Messieurs, chers participants,
A ce stade, permettez-moi de mettre en lumière certaines des principales recommandations issues des travaux des différentes commissions:
1- Bilinguisme, diversité culturelle et cohésion sociale
Améliorer la pratique du bilinguisme dans toutes les couches de la société par la création et la mise en œuvre de programmes dès la maternelle;
Enraciner la diversité culturelle par une mise en œuvre stricte de l’équilibre régional et un accès équitable aux services publics et aux corps des forces de sécurité;
Elaborer et mettre en œuvre un programme de cours sur la fraternité intercommunautaire, la restauration de la confiance entre communautés et l’engagement civique pour renforcer la cohésion sociale nationale.
Adopter une loi qui prévoit clairement l’utilisation équitable des deux langues officielles dans tous les domaines de la vie nationale;
– Développer et codifier les principes du dialogue social, de la cohésion sociale et du vivre ensemble.
2- Système éducatif
Veiller à ce que les réformes du secteur de l’éducation intègrent la nécessité de maintenir les deux sous-systèmes éducatifs, de les rendre dynamiques et futuristes, en reconnaissant les forces et les spécificités singulières de chaque sous-système, en s’appuyant sur les forces de chacun pour des diplômés camerounais bien formés et excellents qui rayonnent partout où ils se trouvent.
Veiller à ce que les syndicats d’enseignants travaillent en collaboration avec le gouvernement.
Réglementer la prolifération des syndicats d’enseignants et promouvoir une meilleure organisation des syndicats pour assurer une synergie du niveau régional au niveau national.
3- Système judiciaire
Traduire tous les instruments juridiques dans les deux langues officielles et assurer leur publication simultanée dans les deux langues officielles;
Tenir compte du critère de la maîtrise préalable de l’anglais et de celle du système juridique de la Common Law lors du déploiement du personnel judiciaire dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest;
Créer une école de droit pour la formation des avocats et de tous les praticiens du droit en général au Cameroun;
Eriger la Section de la Common Law de la Cour suprême du Cameroun en une Chambre à part entière comprenant toutes les sections traitant de questions spécifiques de la Common Law;
améliorer les mécanismes de coopération juridique afin d’engager des procédures judiciaires pour faire comparaître les personnes qui financent le terrorisme à partir de l’étranger;
4- Retour des réfugiés et des déplaces internes
Créer des canaux de communication pour un meilleur déploiement de l’armée et une plus grande liberté de mouvement de la population, et prendre des mesures pour la construction de logements décents en faveur des personnes déplacées;
Prendre des mesures visant à accorder une amnistie générale· pour favoriser le retour des réfugiés et des personnes déplacées;
Procéder au recensement de toutes les personnes déplacées et évaluer leurs besoins socio-économiques de base (écoles, établissements de santé, logements…) ;
Fournir des « kits de réinstallation et de réintégration» aux réfugiés et aux déplacés internes;
5- Reconstruction et développement des zones touchées par la crise
Afin d’élaborer un vaste programme de rétablissement, de reconstruction et de développement des régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Extrême-Nord, visant à améliorer les conditions de vie des populations et à renforcer la cohésion sociale et l’unité nationale, les recommandations suivantes ont été formulées:
La reprise immédiate des projets qui ont été suspendus au cours des trois dernières années en raison de la crise dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest, tels que les routes Babajou-Bamenda, Loum-Tombel-Kumba, Mundemba-Akwa, etc. ;
La réhabilitation des installations et des infrastructures publiques détruites ou rendues obsolètes du fait de leur inutilisation en raison de la crise, en particulier dans les secteurs de l’éducation, de la santé, des transports, de l’énergie, de l’eau et des communications;
La reconstruction des infrastructures économiques prioritaires pour soutenir ou relancer les systèmes de production par la remise en service des entreprises publiques agro-industrielles dans les régions touchées (CDC, PAMOL, UNVDA, SEMRY, SODECOTON) ;
L’indemnisation des particuliers, des congrégations religieuses, des palais des chefs, des communautés et des unités privées de production et de prestation de services au titre des pertes subies, et la mise en place de programmes d’assistance sociale directe aux victimes.
La création volontariste d’emplois durables pour les jeunes et les femmes, en particulier dans les régions touchées par la crise.
6- Désarmement, démobilisation et réintegration des ex-combattants
Elaborer et mettre en œuvre une stratégie holistique de communication qui met l’accent sur l’offre de paix que le chef de l’Etat, Son Excellence Paul BIYA a bien voulu offrir aux jeunes combattants;
Etablir des ponts entre ces jeunes, le CNDDR et les Forces de défense et de Sécurité, mettre fin à la production des armes de fabrication artisanale et renforcer la lutte contre la prolifération d’armes légères.
Envisager la prise en charge des jeunes aussi bien aux plans spirituel, psychique que physique à travers des programmes de désintoxication suite à la consommation excessive de stupéfiants et à un endoctrinement intensif par certains membres de la diaspora.
Intégrer l’aspect Réduction de la Violence Communautaire dans le programme DDR ;
7 – Rôle de la diaspora dans la crise et contribution de celle-ci au developpement du Cameroun
Réformer le Code de la nationalité pour l’adoption de la double nationalité ou des nationalités multiples,
Adopter le principe de la représentation de la diaspora aux niveaux parlementaire et gouvernemental (Un ministère dédié à la diaspora),
Créer un haut Conseil de la diaspora dans les pays d’accueil avec des dirigeants élus, la qualité de membre étant conditionnée par la possession d’une carte consulaire,
Désigner une équipe chargée de prendre langue avec les membres radicalisés de notre diaspora et,
Créer une agence transnationale d’investissement et de développement pour la diaspora.
8- Décentralisation et développement local
Accorder aux régions du Nord-ouest et du Sud-Ouest un statut spécial conformément à l’article 62 alinéa 2 de la Constitution qui stipule que la loi peut prendre en considération les spécificités de certaines régions en ce qui concerne leur organisation et leur fonctionnement,
Mettre effectivement en place les régions dans les meilleurs délais,
Verser une allocation spéciale à chaque Municipalité du Nord-Ouest et du Sud-Ouest pour faciliter la reprise effective des activités dans certaines localités,
Supprimer la disposition relative à la nomination des délégués du gouvernement au titre du régime spécial applicable à certaines localités,
Réduire substantiellement les prérogatives de l’autorité de tutelle;
Pour renforcer l’autonomie financière des collectivités locales, la Commission a recommandé:
d’appliquer effectivement l’article 23 alinéa 2 de la loi portant orientation de la décentralisation qui stipule que la loi de finances fixe, sur proposition du gouvernement, la fraction des recettes de l’Etat affectée à la dotation générale de la Décentralisation. A cet égard, les participants ont proposé qu’un pourcentage de 10 à 15% du budget de l’Etat soit alloué aux collectivités territoriales décentralisées,
de supprimer le principe du guichet unique du Trésor qui retarde le transfert effectif des fonds aux autorités locales.
Il convient de relever que certaines recommandations méritent de faire l’objet d’un traitement spécifique. Il s’agit notamment des recommandations visant à ;
Accorder un statut spécial aux régions du NordOuest et du Sud-Ouest, conformément à l’article 62 alinéa 2 de la Constitution;
Prendre des mesures spécifiques pour assurer un statut égal au français et à l’anglais dans tous les aspects de la vie nationale;
Renforcer l’autonomie des collectivités territoriales décentralisées;
Améliorer les infrastructures des services judiciaires dans tout le pays;
Renforcer le programme d’assistance humanitaire afin de mieux satisfaire les besoins des déplacés internes;
Mettre en place un plan spécial de reconstruction en faveur des zones touchées par la crise;
Diffuser largement l’offre d’amnistie faite par le chef de l’État aux combattants qui déposent les armes et s’insèrent dans le processus de réintégration ; et,
Désigner une équipe chargée de prendre langue avec les membres radicalisés de notre diaspora.
Excellences, Mesdames et Messieurs,
En réalité, dans le discours d’ouverture de S.E. Chief Dr Joseph Dion N