Un joint en guise de petit déjeuner à 12 ans. Booba passe ses journées à l’Avenue Kennedy, dans le centre-ville de la cité capitale. Ce vendredi 13 mars 2020, il est 12h. Au niveau des feux tricolores, l’adolescent qu’accompagne quelques-uns de ses congénères court après des voitures qui s’y aventure à la recherche de quelques pièces de monnaie. Il serait arrivé de Maroua il y a plusieurs semaines clandestinement. Il affirme que son père est décédé et que sa mère s’est remariée avec un autre homme qui le maltraitait. « J’étais devenu l’homme à tout faire à la maison. Pendant que son fils qui a sensiblement le même âge que moi partait à l’école, moi je faisais toutes les courses de la maison. Un jour, j’ai fait pipi dans le canapé la nuit. Il était dans tous ses états le matin. Il m’a copieusement tapé et a dit ouvertement à ma mère qu’il ne me supportait plus. J’ai donc décidé de partir », confie l’infortuné. Les services du ministère des Affaires sociales (Minas) estimaient à 877 le nombre d’enfants qui vivent dans les rues des centres villes de Yaoundé, Douala, Bafoussam, Buea, Maroua et Ngaoundéré en 2018 et à 441 en 2019. En rupture avec leur milieu familial, ces enfants ne veulent ou ne peuvent rentrer chez eux. Le phénomène semble cependant s’amplifier depuis quelques temps à Yaoundé. Agés entre 9 et 17 ans pour la plupart, ces enfants déscolarisés sont livrés à eux-mêmes dans les rues. Ils se regroupent dans le centre-ville de Yaoundé, notamment à la Poste centrale, Cathédrale Notre-Dame-des-Victoires, Avenue Kennedy, Boulevard du 20 mai, Carrefour Warda. Plusieurs consomment de la drogue ou sniffent de la colle. Les riverains observent, déconcertés la présence de ces adolescents dont certains sont responsables d’agressions et de petits larcins.
Souvent victimes d’abus de toutes sortes, ces enfants ont pourtant des droits. Notamment à l’alimentation, à la santé et à l’éducation. C’est dans ce sens que le ministre des Affaires sociales a décidé de passer à la vitesse supérieure. Pauline Irène Nguene a annoncé vendredi à Yaoundé l’intensification de la lutte contre ce fléau social dès le 23 mars prochain. Objectif, retirer ceux-ci du centre-ville en vue de leur insertion, de leur retour en famille ou de leur placement scolaire ou dans une institution de rééducation pour mineur. L’annonce a été faite au cours d’un atelier préparatoire à l’opération pilote de suivi et d’observation des enfants de la rue en vue de leur retrait du centre commercial de Yaoundé. Il était question de renforcer les capacités des travailleurs sociaux qui seront sur le terrain.