L’élection présidentielle du 7 octobre dernier aura permis d’apprécier la pratique journalistique au Cameroun sous un nouveau jour. Personne n’avait imaginé que les Camerounais s’intéressaient autant aux joûtes, au regard des chiffres des inscrits sur les listes électorales qui étaient en dessous de l’effectif potentiel des électeurs.
Mais au fur et à mesure que l’on a avancé dans le processus qui a conduit au choix de la personnalité qui va diriger le Cameroun pour les 7 prochaines années, l’intérêt des Camerounais s’est décuplé. Incidemment les médias se sont retrouvés au centre du jeu pour offrir aux citoyens toutes les clés de lecture pour comprendre les enjeux du scrutin.
Ainsi pour les besoins de la cause les différents médias (audio-visuel, presse écrite et cybernétique) ont revu leur programmation pour coller à l’actualité. Parfois des moyens matériels, humains et financiers conséquents ont été mis à contribution pour ne rien rater du « spectacle » qu’offraient les 9 candidats à la présidentielle ainsi que leurs différents soutiens. L’on retiendra en tout cas que les « émissions politiques », les débats et les pages spéciales se sont multipliés dans les différents organes de presse et plateformes d’informations.
Mais si dans la forme le débat politique s’est structuré, dans le fond on peut valablement s’interroger pour s’en inquiéter, sur le traitement de la dernière présidentielle. La liberté d’expression est consacrée au Cameroun. La liberté de presse l’est tout autant. Mais qu’en a-t-on fait ? Si l’interrogation émerge, c’est parce que les médias ont été pointés du doigt à différents titres par les observateurs et les acteurs politiques. Leur impartialité a été remise en cause. Avant, pendant et après le processus électoral, certains candidats n’ont pas hésité à citer nommément des médias qui de leur point de vue, ne respectaient pas l’exigence d’impartialité et d’équité.
Bravade, foucade ou accusation fondée ? Le débat est ouvert. Toujours est-il que si l’on peut questionner légitimement la déontologie des journalistes, une donnée demeure essentielle : dans un environnement concurrentiel, les médias fonctionnent au Cameroun ou ailleurs à l’audimat. Dans ces conditions, la tendance est d’ouvrir leurs espaces aux personnalités et aux candidats qui font le plus d’audience.
En somme le déséquilibré supposé ou avéré dans le traitement de la présidentielle était aussi lié à l’activité des candidats ou de leurs représentants sur le terrain et à leur impact auprès du public. Certes en période électorale et notamment de campagne, un effort d’équilibre et d’équité doit être consenti, mais il n’y a guère que les médias audio-visuels qui y sont légalement astreints.
Et il semble bien que chaque candidat a pu s’exprimer dans le cadre des tranches dédiées à la propagande électorale. Pour le reste, la liberté était laissée à chaque rédaction de gérer en toute responsabilité et en toute impartialité ses espaces. Au nom de la liberté de presse, il n’y a pas d’obligation de neutralité ou d’impartialité imposée par la Loi aux médias. Les médias s’efforcent simplement de tendre vers la plus grande neutralité possible.
Mais certains militants aveuglés, certains candidats en fonction des informations qui ne leur plaisent pas sont devenus très chatouilleux. Il semble que ces militants zélés rêveraient d’un régime où les journalistes ne feraient que louer leur leader et être réduits à un rôle de propagandiste.
Du haut de leur bien-pensance, ils ne seraient dès lors pas loin d’être les agents de la …pensée unique. Au demeurant la liberté d’expression et la liberté de presse sont consubstantielles de la liberté de pensée. Elle suppose que les personnes puissent se faire d’ellesmêmes une opinion de ce qui se passe autour d’elles et s’expriment en conséquence. Pour autant, les journalistes doivent garder à l’esprit qu’ils ont des comptes à rendre au public.
Quel que soit le média concerné, le journaliste a des responsabilités vis-à-vis du public. C’est en cela peut-être qu’ils font l’objet de tant de critiques. Loin de s’en offusquer, ils devraient inlassablement chercher à se hisser au-dessus de la mêlée. Mais ce n’est pas toujours gagné…