Produit par une équipe de chercheurs de l’Université de Yaoundé II- Soa, un ouvrage collectif sur le sujet a été présenté à la presse hier.
69% ! L’indice de diversification des sources de l’économie camerounaise est jugée alléchant. C’est d’ailleurs la 4e meilleure performance au niveau africain. Et quand on sait que la diversification est un atout de croissance économique, on est en droit de se demander qu’est-ce qui freine le décollage du Cameroun. Un pays dont le sol et le sous-sol sont bondés de richesses. Et où les pouvoirs publics ont élaboré le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE), pour servir de boussole pour l’atteinte de l’émergence à l’horizon 2035. Sauf que depuis 2009, date de la mise en œuvre du DSCE, le taux de croissance du Cameroun tourne toujours autour de 5%. Question : Comment produire plus, au point d’atteindre une croissance à deux chiffres ? Réponse dans un ouvrage de 231 pages, récemment paru aux éditions Afrédit à Yaoundé.
L’ouvrage intitulé « Document de stratégie pour la croissance et l’emploi : Comment atteindre une croissance à deux chiffres ? » est la production d’une équipe de recherche de l’université de Yaoundé II- Soa. Elle est dirigée par le Pr Henri Ngoa Tabi, chef de département d’économie internationale et du développement, par ailleurs enseignant à la faculté des sciences économiques et de gestion de l’université susmentionnée. Le document qui s’adresse avant tout aux décideurs camerounais a été présenté à la presse hier sur le campus de Soa. Occasion pour cette université de signer une convention cadre avec la maison d’édition Afrédit. Laquelle a récemment créé une collection baptisée Intelligencia, « visant à diffuser les produits de la recherche universitaire. Car il a été constaté que plusieurs chercheurs sont financièrement limités, incapables de promouvoir les résultats de leurs travaux. L’association avec l’université de Yaoundé II permettra donc de faciliter l’édition des documents de recherche », explique Arthur Pango, directeur central d’Afrédit.
A propos de l’ouvrage sur le DSCE, le Pr Mol Nang, vice-recteur chargé de la recherche, explique que l’université de Yaoundé II-Soa a constitué cinq équipes thématiques de recherche, dont l’une était chargée de faire le bilan du DSCE et d’en dégager des perspectives. « Nous sommes fiers de ce premier ouvrage dont la simplicité et la clarté des analyses et recommandations font qu’il est à la portée du Camerounaise moyens ». Avant la dédicace prévue le 10 mai prochain, une conférence-débat autour de l’ouvrage est prévue vendredi 5 mai prochain à Soa. Ce fruit de la recherche est vendu au prix de 15 000 F.
Pr. Henri Ngoa Tabi: « Nous proposons une transformation structurelle »
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Au terme de vos travaux de recherche, que doit-on retenir de la mise en œuvre du DSCE depuis 2009 ?
Ce document a sept thématiques. Nous avons travaillé uniquement sur le chapitre croissance. Parce qu’en économie, la croissance regroupe tout : l’éducation, la formation, l’électricité, les routes, l’innovation, etc. Nous avons cherché à comprendre pourquoi la croissance tourne toujours autours de 4 et 5%. Pourquoi pas 10, voire 12% ? Dans notre recherche, nous avons commencé par questionner la pensée économique qui sous-tend la mise en œuvre du DSCE. Nous nous sommes rendu compte que ce document reposait sur la théorie de la « Grande poussée ». Elle consiste à implémenter le développement dans tous les secteurs (primaire, secondaire, tertiaire) au même moment, à la même cadence. Sauf que cette théorie pose trois gros problèmes : celui de coordination, avec la duplication de certains programmes entres les ministères ; le problème de financement puisqu’il faut beaucoup d’argent pour tout faire en même temps et le problème de la visibilité. En réalité, la plupart des activités prévues par le DSCE sont quasiment réalisées. Mais c’est comme si rien n’était fait, vu que tous les chantiers lancés ne produisent pas encore leurs effets. Certains projets structurants sont terminés mais ne sont pas encore productifs. Autant de choses qui diluent les résultats du DSCE.
Que recommandez-vous pour améliorer la situation ?
Sachant que le DSCE doit être révisé en 2020, nous mettons effectivement des idées sur la table, pour qu’on puisse y puiser pour améliorer le document et pouvoir atteindre une croissance à deux chiffres qui nous amènera vers l’émergence. Nos propositions sont concentrées sur ce que nous appelons « transformation structurelle ». C’est tout un autre paradigme. Au lieu de faire la « Grande poussée », sans cesse perturbée par des chocs (sécuritaire, pétrolier, APE et les questions du Nord-Ouest et Sud-Ouest) et courir le risque d’être détournée des objectifs, il faut recentrer. La « transformation structurelle » consiste à mettre les moyens d’abord vers les secteurs qui peuvent tirer la croissance très rapidement, ou tout au moins, rapporter des devises.
Concrètement, en quoi consiste cette transformation structurelle ?
Elle repose sur cinq éléments. Le premier c’est la diversification de l’économie. En la matière, le Cameroun dispose d’une très bonne base pour aller vers l’économie de marché. Le deuxième point concerne les exportations compétitives. Il faut capitaliser sur un ou deux produits qui rapportent des recettes, en développant des chaines de valeur pour pouvoir vendre à l’intérieur comme à l’extérieur. Le troisième point c’est la productivité. C’est-à-dire comparer les résultats aux moyens mis en œuvre. En quatre, il faut la mise à niveau technologique par la formation, la recherche, etc. Et enfin, il faut développer le bien-être humain.