«C’était également une manière de briser les barrières de ces traditions»


Votre spectacle « Zayéné » parle de mariage précoce. Pourquoi avoir choisi le registre de la comédie musicale pour parler d’un tel sujet ?

Nous voulions que l’histoire de « Zayéné » vive bien longtemps après nous. Nous avons fait une comédie musicale car nous voulions la raconter avec le mvet. Aucune femme n’a le droit d’être initiée à cet instrument, mais je me suis dit que le mvet pouvait être un lien transversal entre l’esprit de la compréhension et la protection de nos petites filles. Avec la passion qui m’anime, j’ai détourné ce mvet pour faire une comédie musicale en cinq actes. J’ai également donné des ateliers gratuits de mvet pour que les filles puissent le toucher. C’était également une manière de briser les barrières de ces traditions qui restreignent les femmes. Malheureusement, avec ce type de restriction, nous sommes les premiers à mettre des barrières aux femmes. Il m’a fallu 15 ans pour réussir un accord sur cet instrument. Autre chose, nous avons préféré mettre des adultes comme acteurs sur scène pour ne pas répéter la violence ou faire du voyeurisme en exposant des petites filles pour rire de leurs blessures.

Pourquoi ce combat contre le mariage précoce vous tient-il tant à cœur ?

J’ai toujours été une artiste engagée depuis le début de ma carrière, comme en témoigne mon premier album « Tribu » qui donnait déjà la parole aux femmes. Cette question du mariage forcé nous concerne tous. Elle me touche particulièrement car je suis partie très jeune du Cameroun. J’ai quitté ce pays au jeune âge de 12 ans avec mes parents qui allaient travailler pour l’ambassade du Cameroun en France. Et depuis 2016, j’ai été nommée ambassadrice Unicef contre le mariage forcé des enfants. Cela fait trois ans. En juillet 2015, la directrice de Unicef Cameroun est venue à Paris me demander de porter ce dossier très délicat et très lourd : 34,4% des femmes au Cameroun sont mariées avant l’âge légal. Il n’y a pas une famille au Cameroun où le cas de mariage précoce n’a jamais été décelé. Quand cette mission m’a été donnée, je me suis dit : imagine qu’à 12 ans on t’avait laissée te débrouiller au Cameroun ? Tu serais dans la même situation que ces filles…

Avant le terrain de l’art, sur quel autre terrain avez-vous mené ce combat ?

J’ai dû me déplacer à travers le Cameroun pour constater que le mariage forcé est une question violente, virulente et tellement actuelle. Dans les écoles, j’ai eu des témoignages de responsables qui me disent qu’ils peuvent avoir 40 filles dans une classe en début d’année scolaire et se retrouver uniquement avec cinq filles au terme de cette même année. Tout simplement parce que les parents viennent chercher leurs filles pour les envoyer en mariage, au point où ils sont prêts à se battre pour les récupérer. Ils évoquent des raisons économiques qui ne sont pas réelles. Aider ces enfants à chercher la vie, disent-ils ? C’est en réalité leur chercher le mariage.


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