Bilinguisme et multiculturalisme : casser les mentalités


Au cours du précédent septennat, les Camerounais ont pris conscience de la nécessité de donner un coup d’accélérateur à la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme. Ces dernières années, des revendications ethnorégionalistes avaient tendance à remettre en cause nos acquis d’unité, d’intégration et de vivre-ensemble construits de longue date. La création par le président de la République en janvier 2017 de la Commission pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme a pour finalité de sortir les concepts de bilinguisme et de multiculturalisme des discours incantatoires pour qu’ils s’installent véritablement dans le vécu quotidien des Camerounais.

Dans sa communication inaugurale du septennat en cours, Paul Biya a interpellé cette instance qu’il a placée sous sa supervision directe à « continuer à mettre en œuvre la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme ». L’appel du chef de l’Etat intervient dans un contexte où le pays est traversé par des postures de repli identitaire galvaudant ainsi notre riche et incroyable diversité culturelle. Qu’on se comprenne bien, la richesse culturelle du Cameroun est un atout qui fait de lui un « concentré de l’Afrique » jalousement convoité par les autres nations. Un certain nombre de manquements relatifs à l’utilisation des ressources humaines et de deux langues officielles dans les deux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ont été relevés.

Le chef de l’Etat en parle lui-même dans sa sortie du 06 novembre dernier et promet d’y remédier. « Ces actions et d’autres seront prises pour régler nombre de problèmes qui sont à l’origine des frustrations et des insatisfactions qui se sont manifestées ces derniers temps », note-t-il. Ces mesures viendront se greffer à la panoplie des actes déjà pris dans ce sens par le gouvernement sous la houlette du président de la République, pour satisfaire les revendications des syndicats d’avocats et des enseignants d’expression anglaise.

La traduction des actes uniformes de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) en anglais, le redéploiement du personnel judicaire maîtrisant l’anglais, le recrutement spécial des greffiers et des auditeurs de justice d’expression anglaise, la création d’une section de Common law à la Cour suprême et à l’Enam, la création des départements d’English law dans les autres universités d’Etat du pays, le recrutement spécial de 1000 enseignants bilingues dans les établissements techniques des régions du NordOuest et du Sud-Ouest etc, traduisent la volonté du gouvernement de rectifier le tir. Il en faudra peut-être un peu plus pour parvenir à juguler les insatisfactions.

Mais la volonté des pouvoirs publics à aller plus loin que les revendications initiales ne souffre d’aucun doute. Tout laisse donc croire que la Commission « Musonge » a du pain sur la planche. Les membres de cette instance doivent se montrer proactifs et « inonder » le chef de l’Etat de propositions pertinentes allant dans le sens de l’intérêt général de ses compatriotes. Ils doivent de ce fait revisiter leurs attributions pour ancrer le bilinguisme et le multiculturalisme dans les mœurs des Camerounais. La tâche ne sera pas facile au regard de la prégnance des discours de division, d’étiquetage et des clichés tribaux qui mettent à mal l’unité et le vivre-ensemble.

Aujourd’hui plus qu’hier, la culture et la promotion du bilinguisme appellent à un changement de paradigme. Il ne s’agit plus de cloisonner ou de balkaniser le Cameroun sous le prisme des différences culturelles et linguistiques. Il s’agit de déconstruire les mentalités qui confinent les « Anglophones » dans les seules régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et les « Francophones » dans le reste du pays. Il y va de la construction d’une réelle intégration nationale, véritable socle et gage de la paix sociale au Cameroun et qui constitue notre dernier rempart face aux actions déstabilisatrices.


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